Cette question mérite qu’on y consacre un article car beaucoup d’apprenants n’osent pas la poser à leur professeur suisse, craignant de froisser sa susceptibilité.

Alors, soyons clair : en Suisse, on enseigne le français ! Point.

Je pourrais m’arrêter là, mais vous allez me soupçonner de vouloir classer l’affaire. Voici donc quelques précisions.

Tout d’abord, le « suisse » n’existe pas. La Suisse reconnaît 4 langues nationales : l’allemand (parlé par 63% de Suisses), le français (23%), l’italien (8%) et le romanche (0,5%) et les lois fédérales existent en allemand, français et italiens. L’anglais est parlé par 20% de la population, mais essentiellement dans les régions urbaines ou touristiques. Je reviendrai à une autre occasion sur le cas des dialectes alémaniques.

La grammaire du français est la même des deux côtés de la frontière. Ici, on peut entendre parfois des germanismes « Va aider à ta sœur ! » au lieu de « Va aider ta sœur ! » Mais les variations se remarquent plutôt dans le vocabulaire ou la prononciation, tout comme dans les diverses régions de France. La plupart d’entre vous connaissent et apprécient la différence au niveau des nombres 70 : septante en Suisse – soixante-dix en France ; 80 : huitante en Suisse – quatre-vingts en France ; 90 : nonante en Suisse – quatre-vingt-dix en France. Il est à noter que les Belges comptent comme les Suisses ! Et il faut relever qu’à Genève, on utilise plus volontiers quatre-vingts que huitante.

Autre différence de taille, souvent méconnue, réside dans le nom des repas : le petit-déjeuner français devient le déjeuner en Suisse, le déjeuner français (le lunch) devient le dîner en Suisse et le dîner français se nomme souper en Suisse. Ainsi, n’oubliez jamais de convenir d’une heure précise lors d’une invitation, car si vous invitez un Suisse à dîner, ne vous étonnez pas à le voir arriver à midi !

En Suisse, on enseigne donc la grammaire française, le vocabulaire français, la prononciation française d’une langue française dite « internationale », mais je n’hésite pas à faire une incartade pour sensibiliser mes élèves aux délicieuses particularités helvétiques ou régionales. En effet, certains mots sont typiquement lémaniques, utilisés en Savoie et en Suisse : « s’encoubler » « ça joue ? » etc.

L’usage de tel ou tel mot de vocabulaire est une science fascinante, complexe, liée à l’histoire d’un pays, à ses relations commerciales. Je vous recommande l’excellent livre de Mathieu Avanzi :  Parlez-vous (les) français ? Edition Armand Colin qui cartographie de nombreuses expressions. Un cadeau parfait lors de votre prochaine invitation à dîner…

À bientôt !